L'IMPORTANT EST D'ARRIVER EN RETARD LE PREMIER JOUR
Soul2Soul / RU - Genève (CH), 2021
Performance 13’
L'IMPORTANT EST D'ARRIVER EN RETARD LE PREMIER JOUR
Soul2Soul / RU - Geneva (CH), 2021
Performance 13’
Entre le vernissage et le finissage de l’exposition Encore Heureux, pendant deux semaines, les deux artistes ont imaginé une proposition performative dans l’espace qu’iels ont créé, modifiant quelques détails et ajoutant des accessoires.
L’installation nous rappelle un intérieur domestique, un décor de théâtre ou une construction d’un white cube pour une foire d’art. Avec tous ces éléments, Victor Delétraz et Annabelle Galland ont écrit une performance questionnant notre rapport au travail, dans un monde capitaliste et libéral, nos moment de loisirs et de relaxation et nos doutes existentiels, le tout dans une étrange atmosphère bleue d’un after-work.
Texte de Annabelle Galland:
Parce que le problème, le réel problème, c’est que même quand j’ai quelque chose d’intéressant à dire, alors il y a quelqu’un juste devant moi qui crie plus fort pour dire exactement la même chose, et qu’on l’entend à ma place, alors comment faire, oui comment faire, pour la prendre ma place.
Il faut se démarquer, se démarquer mais de la bonne manière, il faut avoir la bonne sape, la bonne chaussure, le bon sourcil, la bonne lunette. On est cool, ivre de bonheur et cool cool cool sur toute la ligne.
Mais quand même, il serait bon de se fondre dans la masse, être normal c’est quand même bien, mais c’est fatiguant, mais on s’adapte, c’est bien ça qu’on nous demande.
Alors ensuite on se lève le matin, pleins d’entrain et on lève la main pour prendre la parole, mais même quand on la lève, haut et fort, la main ne suffit pas, c’est toujours à celle-lui de devant qu’on la donne; alors on essaye de briller autrement, trouver d’autres stratagèmes.
Je suis un être individuel et j’opère en solo, je me démarque car je suis solitaire, je n’ai pas besoin d’aide et je n’aime pas aider les autres.
Je suis un être individuel, j’opère en groupe, je me nourrit de la comparaison et je brille lorsque je prend l’ascendant au sein du groupe. Je suis un être individuel mais j’opère à plusieurs, j’aide tout le monde et tout le temps, je met en avant mes paires et je rumine mon manque d’initiative personnelle pendant que d’autres se régalent de mes incertitudes.
On pourrait continuer comme ça pendant des heures, tout en ayant l’air plutôt lisse vous voyez, sans histoire, pas trop plaire ni trop déplaire, être juste nous, exister dans ce scintillement à demi-camouflé qu’est notre existence au milieu de toutes les autres lumières qui vacillent, s’allument et s’éteignent autour de nous.
Alors au milieu de tout ce fouillis impossible, le duo ou plutôt la paire s’impose comme une solution bancale mais éligible, si je fais comme toi et que toi tu fais comme moi, il y a un moment ou dans un subtil esprit d’adaptation, on va commencer à se ressembler et c’est là, oui juste là, que ça va s’enclencher, l’air va s’électrifier de coïncidences et juste comme ça, face au vide, un filament, une trace de quelque chose qu’on a saisi, nous pousse à croire qu’on utilise nos mots de la bonne manière et que si tu me comprend et que moi je t’écoute alors déjà quelque chose d’autre existe, s’étend et remue, là-bas, au milieu des autres. ㋡ AG
L’important est d’arriver en retard le premier jour, 2022 performance 13’, Installation Encore Heureux, système sonore, microphone, fumigène, piscine gonflable, 10 poèmes imprimés et laminés, savon, champagne, verres, seau à champagne
Between the opening of the show Encore Heureux and the closing, in two weeks, the two artists imagined a performative proposition in the space they had created editing a few details and adding props. Indeed, the installation is reminiscent of a domestic interior, a stage set or a white cube construction intended for an art fair. With all these elements, the two artists have written a performance questioning our place at work, in a capitalist and liberal world, our moments of leisure and relaxation and our existential doubts, all in a strange and blue smoky after-work atmosphere.
Text by Annabelle Galland translated in English:
Because the problem, the real problem, is that even when I have something interesting to say, there’s someone right in front of me shouting louder to say exactly the same thing, and everybody hear it instead of me, so how can I do it, yes, how can I do it, to take my place.
You have to stand out, stand out but in the right way, you have to get the right threads, the right shoe, the right eyebrow, the right glasses. We’re cool, drunk on happiness and cool cool cool all the way.
But still, it would be good to blend in, to be normal is still good, but it’s tiring, but we adapt, that’s what’s asked of us.
Then we get up in the morning, full of enthusiasm and we raise our hand to speak, but even when we raise it, loud and clear, the hand is not enough, it’s always given to the one in front; so we try to shine differently, to find other stratagems.
I’m an individual human being and I operate solo, I stand out because I’m solitary, I don’t need help and I don’t like to help others.
I’m an individual, I operate in a group, I feed myself with comparison and I shine when I take the ascendancy within the group. I’m an individual, but I operate with the others, I help everyone all the time, I put my peers first and I brood over my lack of personal initiative while others feast on my uncertainties.
We could go on like this for hours, all the while looking rather smooth, you know, without a fuss, neither too much to please nor too much to displease, just being us, existing in this half-camouflaged flicker that is our existence in the midst of all the other lights that flicker on and off around us.
So in the middle of all this impossible clutter, the duo, or rather the pair, emerges as a shaky but eligible solution. If I do what you do and you do what I do, there comes a moment when, in a subtle spirit of adaptation, we start to resemble each other and that’s here, yes right there, it all kicks in, the air will become electrified with coincidences and just like that, facing the void, a filament, a trace of something we’ve grasped, pushes us to believe that we’re using our words in the right way and that if you understand me and I listen to you then already something else exists, stretches out and stirs, out there, among the others. ㋡ AG
L’important est d’arriver en retard le premier jour, 2022 performance 13’, Encore Heureux’s installation, soundsystem, mic, smoke bomb, pool, 10 poems printed and laminated, soap, champagne, glasses, champagne ice bucket
Performed by Victor Delétraz Written by Annabelle Galland & Victor Delétraz Poem: Annabelle Galland
Photos: Farah Mir